L'Heptapole



« En vérité, la plupart des garçons n'avaient aucun souvenir clair d'avoir jamais vu une femme de leur vie. Un oiseau volant par-dessus l'Heptapole en aurait déduit que l'humanité ne comptait pas de femelles. Et que dans ce monde d'hommes, il y avait Frédérique, enfant hors-la-loi, née à l'extérieur de la Maison des femmes et vivant avec son père, qui l'avait laissée seule des heures durant dans une pièce insonorisée au cours de son enfance, cette Frédérique si petite qui n'était jamais sortie seule avant l'âge de huit ans, mais qui avait appris à se consoler elle-même et à se transformer en garçon dès qu'elle passait la porte. »






« Sous le regard de tous, Frédérique alla rejoindre les rangs de garçons, encore une fois uniquement des garçons, à la seule différence qu'ils étaient cette fois habillés de kaki plutôt que de tuniques de couleur. Frédérique aussi portait du kaki : un habit militaire, le même que tant de citoyens, dans cette ville qui produisait des armées plutôt que des appareils électroniques. Il semblait souvent à Frédérique qu'il n'y avait que ça autour d'elle, dans cette ville qui s'appelait l'Unicapitale : des soldats surveillants, instructeurs, cadets ou officiers. Elle faisait maintenant partie de l'armée, celle-là même qui avait tiré sur les citoyens le jour de la révolution dans l'Heptapole. » « Jules et Frédérique demeurèrent immobiles, Frédérique sur le point de pleurer, ce qu'elle fit en silence, lorsqu'une voix convainquit les autres de procéder à une fouille complète de la maison ... »




« Frédérique ferma les yeux. Elle trouvait que le ton de Jules ressemblait davantage à du mépris qu'à de la pitié. Une fois de plus, le choix avait été fait de laisser mourir certains pour en privilégier d'autres. N'était-ce pas ce que Jules avait reproché au Président lors de leur fuite de l'Heptapole ? Ça ne le dérangeait plus, désormais ? Jules profita du silence de Frédérique pour lui enlever définitivement tout espoir de réintégrer l'Unicapitale déguisée en garçon. - Tu sais que tous les jours j'entends parler de cette fille qui vivait parmi les garçons, au point que c'est devenu une légende dans l'Académie ? » « - Tu te rappelles la voix de femme que nous avons entendue lorsque nous étions cachés dans le caveau ? Je crois que cette femme est ma mère. »